Un peu de tout et de tout un peu

Un peu de tout et de tout un peu

Visite du Louvre avec Zola

J'évoquais pour mon fils (historien d'art), les réactions parfois surprenantes de certains visiteurs au cours d'expositions et il m'a renvoyée en riant au passage assez amusant de L'Assommoir où Zola décrit la visite du Louvre par les invités de la noce de Gervaise et Coupeau.  

"En bas quand la noce se fut engagée dans le musée assyrien, elle eut un petit frisson" Frissonnent-ils face à la beauté des pièces exposées ? Non "Fichtre, il ne faisait pas chaud, la salle aurait fait une fameuse cave !" De toute façon les visiteurs "trouvaient tout ça très vilain" Par contre "La nudité sévère de l'escalier les rendit graves" et "Un huissier superbe (...) redoubla leur émotion. Ce fut avec respect qu'ils entrèrent dans la galerie française."  Mais le respect n'a qu'un temps, le cortège suit l'enfilade des salons sans s'arrêter, il y a trop de tableaux ... qui ne suscitent l'admiration que parce que "Il devait y en avoir pour de l'argent. "  Le radeau de la méduse suscite le sentiment général que "c'était tapé".  La visite se poursuit et à nouveau, l'environnement les émeut plus que les toiles : "Dans la galerie d'Apollon, le parquet surtout émerveilla la société, un parquet luisant clair comme un miroir où les pieds des banquettes se reflétaient"

Dans le salon carré, Gervaise émet un commentaire d'ordre muséologique  "C'était bête de pas écrire les sujets sur les cadres"  Certains s'arrêtent quand même à admirer les peintures, Coupeau devant la Joconde lui trouve une ressemblance avec une des ses tantes ... d'autres ricanent en regardant les femmes nues, ou sont saisis par la taille des cuisses d'Antiope tandis que un des couples sont béants d'admiration, "attendris et stupides devant la Vierge de Murillo".  Mais l'intérêt pour les tableaux n'a qu'un temps "dans la longue galerie où sont les écoles italiennes et flamandes, (...) ce qui les intéressait le plus c'était les copistes avec leurs chevalets installés parmi le monde, peignant sans gêne"  Ce cortège en visite finit d'ailleurs par devenir lui-même objet de la curiosité des autres visiteurs et des peintres au travail. Et de La kermesse de Rubens, nos protagonistes voient surtout  les détails orduriers qui choquent les dames. Toutes ces attitudes contrastent avec celle de leur guide, Mr Madinier qui "parle à voix basse comme dans une église". 

"Des siècles d'art passaient devant leur ignorance ahurie" écrit Zola pour exprimer le fossé qui sépare alors le peuple de la culture. Ce fossé est-il vraiment comblé ? 

 

 



22/02/2013
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