Un peu de tout et de tout un peu

Un peu de tout et de tout un peu

Mais qu’est-ce qui les fait tant remuer ?

 

Le TDAH : des causes biochimiques ?

 

Au-delà des débats et des polémiques qui agitent les médias à propos du diagnostic parfois un peu rapide et du traitement médicamenteux du TDAH (trouble déficitaire de l’attention et hyperactivité), de nombreuses recherches sont en cours concernant les origines biochimiques possibles de ce problème de santé publique. Elide Montesi 

 

Une prédisposition génétique existe comme l’attestent la prépondérance masculine (80% des cas), le risque 5 fois plus élevé de voir d’autres enfants souffrir du même trouble dans les familles où l’on a déjà un enfant hyperactif ainsi qu’un taux de concordance 2,5 fois plus élevé pour les vrais jumeaux par rapport aux faux jumeaux. Plusieurs gènes seraient en cause. Mais la génétique n’intervient que faiblement dans le développement de ce trouble. Il s’agit d’un facteur prédisposant mais insuffisant à lui seul. D’autres éléments tant psychologiques qu’environnementaux sont nécessaires pour expliquer les perturbations au niveau des transmissions hormonales cérébrales entraînant inattention, hyperactivité et impulsivité, les trois symptômes caractéristiques du TDAH. Certains affirment qu'il faut pour ces enfants des régimes spécifiques excluant ou privilégiant certaines substances  D'autres incriminent la pollution. Des hypothèses qui ne sont pas tout à fait établies, mais qu'il est intéressant d'examiner.

 

Ils bougent comme ils respirent  ???

Impossible de parler de pollution sans évoquer le tabac. Plusieurs études aboutissent en effet à la conclusion que fumer pendant la grossesse prédispose les enfants au TDAH. Certes, les futures mamans qui fument se recrutent le plus souvent dans les classes socio-économiques défavorisées ou parmi celles qui ont une vie plus stressante, tous éléments favorisant aussi le TDAH et autres problèmes de comportement chez les enfants. Mais même en tenant compte de cela, le tabac consommé par les femmes enceinte est à lui seul un facteur de risque des déficits attentionnels. Le risque lié au tabac est par ailleurs proportionnel au nombre de cigarettes fumées par jour. Effet toxique direct du tabac sur le cerveau en développement ou conséquence du retard de croissance intra-utérin causé par le tabac puisque l’on sait que les enfants avec un trop petit poids de naissance sont eux-mêmes plus souvent prédisposés au TDAH ?  L’un n’exclut pas l’autre. Voilà donc un argument supplémentaire pour convaincre les futures mamans, si besoin en est, que fumer nuit à la santé du futur bébé comme à la leur d’ailleurs.

L’hypothèse d’une relation entre TDAH et la pollution automobile pendant la grossesse et même après la naissance par le biais de la toxicité des hydrocarbures a été avancée par certaines études. Les effets toxiques du plomb sur le cerveau sont bien connus. Mais le rôle des pesticides ou autres polluants atmosphériques reste controversé, même si certaines observations laisseraient entendre une relation possible entre troubles du comportement, criminalité et pollution atmosphérique. Mais si cette hypothèse mérite certes d’être vérifiée de manière plus approfondie quant à un lien direct de cause à effet, elle apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui souhaitent que des mesures soient prises pour rendre l’atmosphère plus respirable.

Signalons aussi la fréquence plus importante d’hyperactivité après contamination intrautérine par les bisphénols A, molécules utilisées pour la fabrication des résines plastiques retrouvées dans le recouvrement intérieur des canettes, la paroi des biberons en plastique rigide, les ustensiles ménagers mais aussi dans les amalgames dentaires. On peut d’ailleurs logiquement penser que tous les éléments susceptibles d’altérer le développement cérébral du futur bébé, comme l’alcool ou les drogues, peuvent favoriser le TDAH si l’enfant est déjà génétiquement prédisposé

 

 Alerte rouge aux sucreries colorées

Une récente législation européenne du 20 juillet 2010 oblige à publier sur l’étiquette de certains aliments (en particulier bonbons, gommes et sirops pour enfants) à côté du  nom et du numéro de six colorants (E102, E104, E110, E122, E124 et E129) la mention : « peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants ». L’année précédente, les députés européens avaient pris une mesure interdisant ces mêmes additifs dans les aliments pour bébé dans un souci d’harmonisation des législations en vigueur dans les pays de l’UE. Ces décisions ont été prises après que certaines études ont démontré une augmentation non seulement de l’activité chez certains enfants souffrant déjà d’hyperactivité mais également chez des enfants bien portants. Ces colorants pourraient intervenir en perturbant les mécanismes d’action de certaines hormones cérébrales. Ces additifs n’ayant aucune valeur nutritive ajoutée, éviter d’y exposer les enfants même bien portants ne peut qu’être positif si le risque est avéré, et n’a aucune conséquence nuisible s’il est surestimé.

 

Omega 3, encore eux...

A la suite de la démonstration par plusieurs études d’une composition différente d’oméga 3 dans le sang des enfants souffrant de TDAH, certains ont recommandé un supplément de certains oméga 3 comme bénéfique pour ces enfants. Actuellement cependant, les bienfaits de ces oméga-3 présentés comme la panacée universelle tendent à être relativisés par la communauté scientifique. Cela  explique peut-être qu’au fil du temps les conclusions quant aux suppléments d’oméga 3 soient moins catégoriques. L’efficacité des omega3 est en effet plus que modeste par rapport aux médicaments.  En l’absence d’effets secondaires,  cette option est présentée comme une alternative possible surtout en cas de refus d’une prescription médicamenteuse. 

D’autres recherches ont abouti à la recommandation d’associer à ces suppléments d’omega3 certains oligo-éléments, en particulier du zinc et du magnésium avec à nouveau la conclusion que même si l’efficacité d’une telle mesure est limitée, à défaut de faire vraiment du bien, ça ne peut pas vraiment faire de tort.  

 

Supprimer les aliments allergisants ?

Certains vont plus loin et préconisent un régime alimentaire spécifique caractérisé par la suppression de toute une série d’aliments, le few foods diet. Cette recommandation est issue de l’observation que la proportion d’enfants souffrant d’allergies alimentaires est presque 5 à 7 fois plus élevée parmi les enfants atteints de TDAH. Cela ne signifie pas que les enfants souffrant d’allergie alimentaire ont un risque supplémentaire de TDAH Des essais ont été donc menés en supprimant de leur alimentation tous les produits réputés comme très allergisants tels que (entre autres) crustacés, poissons, œufs, cacahuètes, soja, chocolat, fromages, noix, blé, saucisses, hot-dogs mais aussi le raisin et les pommes, même chez les enfants ne présentant aucun signe d’allergie à l’un ou l’autre de ces aliments. Une récente étude publiée en février 2011 effectuée sur un groupe d’enfants TDAH par rapport à un groupe contrôle nourri de manière normale montre  une amélioration significative des tests de comportement et d’attention chez près de 8 enfants sur dix pris en charge de cette manière.   Cependant, très prudemment, les auteurs ne recommandent pas de pratiquer d’office ce régime particulièrement restrictif chez tous les enfants TDAH. Ils concluent simplement au fait qu’un tel régime pratiqué sous surveillance permet d’évaluer si le TDAH est provoqué par une hypersensibilité (qui ne serait pas de nature allergique) à la nourriture.

Mais les preuves ne semblent pas solides non plus pour justifier ce few foods diet.

En janvier 2012, la très sérieuse revue américaine Pediatrics publie un article dans lequel les auteurs,  après révision de toutes les études établissant un lien entre alimentation et TDAH,  remettent en cause l’intérêt de ces régimes trop ciblés considérés comme une « perte de temps et  perturbant la gestion des ménages ». Les effets positifs observés pour les régimes pauvres en aliments allergisants pourraient n’être qu’un effet placebo. Et les suppléments de fer, de zinc ou de magnésium ne se justifient que chez les enfants qui en manquent.

"Porter une attention plus soutenue à l'éducation des parents et des enfants pour qu'ils suivent un régime alimentaire sain, laissant de côté les aliments qui semblent prédisposer au TADH, est peut-être le remède pratique alternatif ou complémentaire le plus prometteur pour traiter l'ADHD» concluent avec un certain bon sens les auteurs.  

 

Toutes ces recherches autour des causes biochimiques du TADH ne doivent pas négliger que le développement des fonctions cérébrales, du comportement et de la personnalité est lié certes  à des facteurs de risque génétiques et neurobiologiques propres à l’enfant où à l’environnement physique mais aussi au contexte psychologique et social dans lequel vit l’enfant.

On finirait presque  par l’oublier tant notre vision occidentale du problème tend à médicaliser tous les problèmes.

 



14/02/2014
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